Découvrez un passage inédit de la bio d’Eric Barone !

Voici un passage qui avait été retiré du chapitre « Âme chevaleresque ou héros des temps modernes ? » pour des raisons éditoriales et qui s’était résumé en une phrase.

Bonne lecture !

Fin mars 1991, aux alentours de vingt et une heures trente, vingt-deux heures. Annie-Claude, infirmière libérale, termine sa tournée de soins, dans le tout nouveau quartier de la Grenette en plein centre-ville d’Oyonnax. Les travaux ne sont pas achevés ; néanmoins, déjà quelques logements sont occupés à ce jour tandis que les arcades ainsi que la galerie marchande intérieure n’abritent qu’une poignée de boutiques pour l’instant. Alors que la jeune femme s’apprête à quitter l’appartement de sa patiente, des bruits lui parviennent de l’extérieur. À travers les carreaux, elle aperçoit une petite dizaine d’individus qui traînent en bas devant les immeubles. Peu rassurée et parce que la zone demeure très obscure puisque la future esplanade se trouve encore en construction, elle demande à la dame à qui elle vient de changer un pansement l’autorisation d’attendre un peu chez elle, le temps que le groupe passe son chemin.

Au bout d’un quart d’heure, le calme est revenu et, de la fenêtre, on ne voit plus personne. Annie-Claude remercie chaleureusement, prend congé et se hâte de rentrer chez elle, impatiente de retrouver sa petite fille, née quelques mois plus tôt.

Dès qu’elle émerge de l’ascenseur, son sang se glace dans ses veines lorsqu’elle constate que les types sont toujours là. Elle en compte rapidement cinq ou six. Ils s’étaient simplement retirés sous les arcades, ne pouvant être vus depuis les étages. De plus, elle réalise avec effroi qu’ils s’en sont pris à son véhicule qu’elle avait par sécurité avancé au plus près de l’entrée, se garant sur le chantier, tant que le passage est encore possible. Bientôt, ils installeront les escaliers et dalleront la place sur laquelle seuls les piétons déambuleront.

— Ma voiture !

L’infirmière laisse échapper un cri de stupeur à la vue de la vitre fracturée à l’aide d’un parpaing traînant dans les gravats. Une auto toute neuve qu’elle vient récemment de s’offrir avec ses modestes moyens. Elle aperçoit un des malfaiteurs en train de farfouiller à l’intérieur tandis que ses compères patientent autour, un sac en mains et prêts à récolter le butin. Sentant soudain la présence de la femme, celui dont Annie-Claude ne distingue que le bas du corps par-dessous la portière ouverte se redresse tout en extirpant un couteau à cran d’arrêt de sa poche. En un éclair, l’infirmière voit la lame jaillir et le bras armé s’approcher d’elle, dans un geste menaçant. Elle en conclut que l’homme va lui en planter un coup dans le ventre or la partie tranchante l’effleure simplement, toutefois suffisamment près et de manière violente pour lacérer son blouson de cuir, dont l’épaisseur la préserve heureusement du pire. Avant qu’elle n’ait pu réagir ni esquisser le moindre mouvement, un autre individu la saisit par la longue tresse qui pend dans son dos dans le but incontestable de la faire chuter au sol. Malgré la douleur et la peur qui l’étreint, elle tente de résister et se cramponne sur ses jambes chancelantes. De vains efforts puisque la jeune femme sent bien qu’elle perd l’équilibre et tombe lourdement, tandis que le type l’éloigne de la voiture en la tirant par les cheveux. Veut-il laisser le champ libre à ses complices pour terminer leur travail de fouille dans le véhicule ? Pas sûr, parce que les voilà qui s’approchent d’elles. Pendant que l’homme au cran d’arrêt continue de lui taillader son blouson, un autre lui vole sa mallette qu’elle tenait toujours à la main et un troisième la roue de coups de pieds. Terrorisée, la jeune femme hurle, appelle au secours, mais peut-elle se faire entendre dans ce quartier encore quasi inoccupé ? Les rares riverains ont-ils seulement déjà le téléphone branché chez eux ? Et ce n’est pas sa patiente, cette dame âgée, qui risque de venir à sa rescousse.

Manifestement, son agresseur n’a pas de réelle intention de la tuer, sinon, il lui aurait planté sans attendre un coup de couteau bien placé. Mais est-elle pour autant rassurée, se sachant ainsi vulnérable, plaquée au sol sur le dos sans aucune possibilité de se défendre et encerclée de trois ou quatre individus au comportement véritablement menaçant qui ne cessent de la cogner avec leurs pieds, de l’insulter et de lui cracher dessus. Quel sort lui réservent-ils ? Elle n’a plus guère d’espoir de s’en sortir lorsque, la tête complètement étirée en arrière par le type qui maintient toujours fermement sa tresse, ou ce qu’il reste de sa coiffure en temps normal si ordonnée, elle entraperçoit deux silhouettes foncer dans leur direction. Sûrement des hommes de la bande qui viennent leur prêter main-forte. Craignant sa dernière heure proche, Annie-Claude hurle de peur.

 

Accompagné d’un ami, Éric Barone a l’habitude le soir ou la nuit de faire des rondes en ville. Tous deux inquiétés par de récents cambriolages, ils ont décidé de patrouiller dans les rues afin de surveiller leurs magasins respectifs. Car, il y a peu, paniquée à l’arrivée d’une dizaine de types louches qui avaient envahi leur boutique, Carole avait téléphoné à Éric accouru les jeter dehors sans ménagement. Depuis, il craignait des représailles et restait donc à l’affût.

Tandis que les deux hommes parviennent aux abords de l’église après s’être assurés que tout était normal dans le secteur de « Grain de Folie », ils perçoivent des cris. Il s’agit, sans se méprendre, d’un appel au secours d’une femme. Sans hésitation, ils s’élancent dans la rue, en direction des hurlements de plus en plus distincts. En arrivant sur les lieux, ils réalisent immédiatement qu’une jeune dame maintenue au sol est en train de subir une agression. À l’approche des deux coureurs, la bande de malfaiteurs lâche la victime et prend la poudre d’escampette avant que les nouveaux venus n’aient pu leur mettre le grappin dessus. Éric crie à son ami :

— Occupe-toi de la fille ! Je me charge des mecs !

Et aussitôt il pourchasse celui dans les mains duquel il a remarqué un couteau. Aidée de l’un de ses sauveurs, Annie-Claude se redresse péniblement et voit le deuxième homme se lancer avec une puissance incroyable, telle une furie, à la poursuite de son agresseur.

— Comment vous sentez-vous, Madame ? Ne vous inquiétez pas, on va appeler la police.

Tandis que l’infirmière essaie de reprendre ses esprits, Barone dont la force est décuplée par la colère parvient à se rapprocher de l’individu. S’il est toujours armé de son cran d’arrêt, Éric n’a pas pensé un seul instant que le malfrat pouvait se retourner et le lui planter dans le ventre. Quelques foulées supplémentaires et le voilà presque à portée de mains. Le sprinter étend le bras, prêt à agripper fermement l’autre. Ça y est ! Il le tient enfin par sa veste ! « Mais qu’est-ce qu’il fout ? » s’interroge Éric. En deux ou trois mouvements, l’agresseur parvient à se débarrasser de son vêtement qui pend lamentablement au bout des doigts d’Éric. Son propriétaire, quant à lui, a pris la fuite. Qu’importe après tout, sa carte d’identité se trouve dans l’une de ses poches. On devrait lui mettre rapidement le grappin dessus.

La police arrivée sur place constate les dégâts sur le véhicule et conduit Annie-Claude à l’hôpital pour soigner ses blessures fort heureusement relativement superficielles : quelques entailles sur la peau, son blouson de cuir l’ayant protégée considérablement, des contusions sur le corps, des cheveux arrachés. Mais avant tout, la jeune femme paraît extrêmement choquée. Puis, on l’accompagne au commissariat pour sa déposition, tout comme ses deux sauveurs, en tant que témoins de l’agression. Grâce à ses papiers, le présumé coupable est arrêté dès le lendemain et dans la foulée, Éric et la victime sont convoqués pour identifier le suspect. Annie-Claude a la quasi-certitude de reconnaître celui qui porte le numéro trois, parmi les hommes que l’on a alignés devant elle. Cependant, il y a un problème. L’individu en question a un bras dans le plâtre contrairement au type de la veille au soir. Désorientée, elle ne peut que faire part de sa suspicion aux forces de l’ordre et de son incompréhension. Pour sa part, Éric se montre plus catégorique :

— Madame, dites que c’est lui parce que je suis absolument sûr que c’est lui !

— Mais, enfin… Et son plâtre ?

— Trop frais pour être vrai ! C’est louche !

Il est évident qu’il s’y connaît en la matière !

Après enquête auprès des services de l’hôpital, on apprend que la bande de voyous a récidivé à la suite de l’agression de l’infirmière. Ils sont allés s’en prendre à un jeune qui rentrait chez lui à quelques pâtés de maisons de là. La nouvelle victime hurle et alerte son père, boucher de son état qui, de la fenêtre découvre la scène. Il descend sur le champ, traverse sa boutique, s’empare d’un énorme couteau et lorsqu’il surgit dans la rue, frappe violemment avec le manche le bras qui s’attaquait à son fils. Une fois de plus, les individus prennent la fuite, mais l’un d’eux se rend aux Urgences, le bras cassé…

Annie-Claude ne remerciera jamais assez le courage de cet inconnu qui n’a pas hésité à se porter à son secours. Elle reconnaît en lui les valeurs d’un « vrai Homme », de l’Homme protecteur, celui auprès de qui on ne peut avoir peur, sur qui l’on peut compter et près duquel rien ne peut arriver. Enfin, c’est la vision qu’elle se fait de l’Homme tel qu’elle imagine l’Homme autrefois parce que maintenant, de nos jours, les choses ont bien changé… Heureusement, il en existe encore quelques spécimens ! Et le destin en a placé un sur son chemin, au bon moment, au bon endroit…